• Vivez, je le veux !

    Le droit à la vie est un droit fondamental. Sauf que notre société l'a tellement érigé en principe absolu que le droit à la vie s'est transformé en devoir. Une injonction qui doit s'imposer à tous. Au nom du droit à la vie, on finit par nous condamner à vivre.

    C'est ce qui se passe actuellement pour Vincent Lambert. Sur fond de conflit familial, cet homme de 38 ans emmuré dans son corps sans pouvoir émettre aucune réaction, maintenu artificiellement en vie par toute une batterie d'appareils et de sondes, est condamné à rester en vie. Si tant est qu'on peut encore qualifier de "vie" son état végétatif complet. 

    L'équipe médicale qui s'occupe de Vincent Lambert, et notamment le Docteur Eric Kariger, se sont exprimés publiquement sur la décision rendue par le Tribunal administratif de Châlons en Champagne interdisant l'arrêt de ce qu'il faut bien appeler un acharnement thérapeutique. Le médecin montre du doigt l'absurdité de cette décision, qui va à l'encontre de la loi Leonetti, pourtant censée mettre un terme à l'acharnement thérapeutique, et du même coup va à l'encontre des obligations déontologiques des médecins en la matière. Et surtout, va à l'encontre de la volonté même de Vincent Lambert, qui ne souhaitait vraisemblablement pas être maintenu en vie s'il devait être réduit à l'état de légume. 

    Vincent Lambert est donc condamné par la justice à perpétuité ou presque. En effet, il n'a que 38 ans et peut être maintenu ainsi artificiellement en vie pendant plusieurs décennies comme l'a expliqué le docteur Kariger sur Europe 1 le 18 janvier dernier dans l'émission d'Arlette Chabot. 

    Vincent Lambert ne peut plus exprimer aucune émotion. Ne peut plus s'exprimer ni par la voix, ni par le regard, ni par les gestes. Quand sa petite fille vient le voir, il perçoit qu'elle est là, mais il ne peut rien faire. Il ne peut pas lui dire qu'il l'aime. Il ne peut pas la regarder. Il est dans une camisole d'où il ne pourra jamais plus sortir, condamné à rester un spectateur inerte. Car le drame de l'histoire de Vincent Lambert réside là : il est conscient. C'est sans doute ce qui a motivé la décision du Tribunal administratif. Mais c'est ce résidu de conscience qui fait que le maintien en vie de Vincent Lambert revient à le condamner à subir cette souffrance psychologique perpétuelle : celle de percevoir ce qui se passe autour de lui, de sentir la présence de ses proches ... sans jamais pouvoir leur exprimer la moindre émotion. Son corps est une prison blindée qui le coupe du monde et de ceux qu'il aime. 

    La mort fait peur. Elle nous fait peur à tous, parce qu'on ne la connaît pas, et surtout parce qu'on ne sait pas ce qu'il y a après. Mais est-ce une raison pour s'acharner à ce point contre celle qui, un jour ou l'autre, finira de toute façon par avoir raison de nous ? 

    L'exemple dramatique de l'acharnement thérapeutique dont est victime Vincent Lambert démontre que notre Société ne sait toujours pas admettre la mort. 

    Le fantasme de l’immortalité, sur lequel se penchent sérieusement des scientifiques qui nous promettent la vie éternelle en chair et en os sur terre, en est un autre exemple, tout aussi effrayant.

     

    Il serait temps de briser une fois pour toutes ce tabou de la mort et de dépasser la peur qu’elle nous inspire, pour pouvoir enfin affirmer qu’il n’y a pas que la vie qui est un droit fondamental. On doit aussi  pouvoir avoir le droit absolu de mourir. De mourir dignement. C'est ce droit-là que l'on refuse aujourd'hui à Vincent Lambert. 

     

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 20 Janvier 2014 à 00:08

    Supprimer une vie n'est pas une décision facile à prendre ...

    2
    LISA F
    Lundi 20 Janvier 2014 à 08:15
    Tous les médecins en unités de soins palliatifs reconnaissent que ce n'est pas une décision facile à prendre ; il ne s' agit pas de "supprimer" une vie, mais de laisser partir dignement une personne qui serait déjà morte de façon naturelle si elle n'était maintenue artificiellement "en vie" : une machine s'occupe de faire battre artificiellement le coeur, une autre maintient une respiration tout aussi artificiellement, et des tuyaux branchés un peu partout apportent des nutriments essentiels. Peut on encore qualifier cela de "vie" ? Je conçois que devoir laisser la personne partir soit douloureux ; le travail de deuil est le meme que lorsqu'on perd un etre cher de façon brutale et inattendue. Mais l'acharnement thérapeutique est interdit par la loi, justement pour éviter que nos propres égoismes et nos propres peurs de la mort prennent le dessus sur le droit à une mort digne.
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    3
    Lundi 20 Janvier 2014 à 09:08

    L'acharnement thérapeutique doit peut-être correspondre au mot " miracle " ...

    4
    LISA
    Lundi 20 Janvier 2014 à 13:36

    C'est une façon de voir les choses  

    Pour ma part, je pense que seul le Ciel peut être capable de miracle, pas des machines. La Vie est sacrée, je suis entièrement d'accord. Mais quand le Ciel lui-même décide que cette vie qu'il a créée doit s'arrêter, est-ce bien raisonnable de vouloir lutter contre Lui ? That is the question  ! Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à cela, juste des points de vue différents en fonction de la sensibilité et de la croyance de chacun... Il y a une très belle chanson de Lynda Lemay qui témoigne bien de la difficulté qu'on peut avoir face à un proche qui est maintenu artificiellement en vie : le laisser partir ou au contraire vouloir continuer à l'avoir près de soi ; cette chanson s'intitule "Paul Emile a des fleurs" ... elle n'apporte pas de réponse toute faite, mais questionne chacun d'entre nous sur ce thème difficile 

    5
    Dimanche 26 Janvier 2014 à 13:07

    Un sujet grave dont on parle depuis longtemps en France...

    Pas facile ! Chaque fois que l'on entends parler du sujet je me pose la question:

    S'il s'agissait de moi que demanderai-je ?

    S'il s'agissait d'un de mes proches,vers quel choix me retournerai-je ?

    Il faudrait ,non pas une loi, mais comme pour les dons d'organes, ou les crémations demander,poser la question à chacun d'entre nous... 

    Et que les familles respectent le choix. Mais là aussi ce n'est pas facile ni de demander, ni de choisir, surtout quand on se sent en pleine santé !

    Bon dimanche à toi

     

     

     

     

    6
    Dimanche 26 Janvier 2014 à 15:36

    @ Mireio : je suis totalement d'accord sur le fait qu'il doit s'agir d'un choix personnel qui doit être évoqué avant que le drame n'arrive ; dans le cadre du don d'organes, quand les familles sont en plein deuil, en pleine douleur, ce n'est plus le moment de leur poser la question, qui peut apparaître comme indécente dans de tels moments ; pour Vincent Lambert, il semblerait qu'étant lui même infirmier de formation, il ne souhaitait pas être maintenu artificiellement en vie. Il me semble que la question qui se pose dans le cadre de l'acharnement thérapeutique est celle-là : de façon naturelle, la personne serait morte sans toute la batterie d'appareils qui maintiennent artificiellement un semblant de vie. Dès lors, doit-on aller à l'encontre de la nature, et, pour le cas des croyants, à l'encontre de la volonté de Dieu ? Quoi qu'il en soit, et quelle que soit la réponse que l'on souhaite donner à cette question, il faut en parler au même titre que le don d'organes. Pour ma part,  je ne souhaite pas  être maintenue dans un état de conscience minimale par la grâce de machines sophistiquées. Car à quoi bon rester en vie quand celle-ci ne consiste plus qu'à rester allongé, sans voir, sans parler, sans bouger... S'il m'arrive quelque chose un jour, j'ose espérer que mes proches me laisseront partir sereinement et ne chercherons pas à me garder à tout prix auprès d'eux ... tout le sel de la vie réside dans le fait de pouvoir échanger, discuter, rire et pleurer ensemble ; si on ne peut plus partager toutes les émotions de la vie avec ses proches, je ne vois pas l'intérêt de continuer à maintenir le coeur et le cerveau de façon artificielle.

    7
    Dimanche 26 Janvier 2014 à 16:25

    Comme tu l'écris si bien ...Oui, la vie c'est toutes ces émotions ,le plaisir de bouger, rire, pleurer,aimer,détester et partager ! Sans tout cela à quoi bon insister ! Laisser à nos proches une image la plus belle possible et non pas celle de quelqu'un qui nous à déjà quitté !

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